Suite à une interruption de trois ans dans sa carrière, cette actrice couronnée aux Oscars en 2016 revient sur le devant de la scène dans une nouvelle production applaudie de la plateforme Apple. Elle y joue avec brio une héroïne qui reflète ses convictions personnelles. En plus de son message politique profond, la série Lessons in Chemistry est principalement une œuvre attachante qui réjouit le cœur.
La route vers l’émancipation
Il ne faut pas être dupé par l’attractivité des décors luxueux dans une série telle que Lessons in Chemistry. L’intrigue est située dans les années 1950 et 1960, des périodes éprouvantes pour beaucoup, en particulier pour la moitié de la population : les femmes. C’est ce que rappellent parfois de façon percutante les premiers épisodes de Lessons in Chemistry, où une jeune technicienne de laboratoire subit la misogynie courante de ses collègues chimistes masculins, pourtant moins doués qu’elle.
Effectivement, Elizabeth Zott étant une femme, elle n’a pas pu achever son doctorat pour des raisons obscures. Ils la voient alors comme une sorte de domestique qui devrait se contenter de servir le café et de concourir à la compétition de beauté du labo avec le sourire. Sa direction apprécie très peu son acharnement à conduire ses propres recherches et à résister aux hommes. Elle est ainsi congédiée à la première occasion – c’est-à-dire lorsqu’elle devient mère célibataire.
Elizabeth réussit alors à se repositionner dans un rôle inattendu : elle devient l’animatrice d’une émission culinaire où elle transmet aux mères au foyer sa connaissance scientifique de la cuisine, comme elle le fait également dans sa vie privée en utilisant son talent pour la chimie pour perfectionner ses recettes. Avec beaucoup de courage, Elizabeth enseigne les bases de l’émancipation à des millions de femmes confinées à la maison et à l’éducation des enfants. La série rend un réel hommage à ces femmes dont le rôle sacrificiel est si peu valorisé dans la société.
Une prise de position anachronique assumée
C’est là que Lessons in Chemistry se différencie de séries des années 60 plus sinistres comme Mad Men (OCS), où il était très difficile pour les héroïnes de remettre en question les horreurs du patriarcat. Inspirée du best-seller de Bonnie Garmus, la série de Lee Eisenberg (The Office, WeCrashed) ne cherche pas à être réaliste. Au contraire, elle revendique son statut de fiction volontairement anachronique, où une héroïne fictive peut défier les hommes et triompher presque à elle seule.
Nous prenons plaisir à ses petites victoires, car malgré son côté feel-good – le chien d’Elizabeth, qui raconte d’ailleurs l’un des épisodes, est adorable – Lessons in Chemistry prévoit également quelques moments assez durs dans les premiers épisodes. Mais si la série captive sur la longueur, c’est essentiellement parce qu’elle aborde des questions fascinantes – à la fois actuelles et liées à la condition féminine.
Il n’est pas courant de voir une grande production américaine briser autant de tabous actuels de la société concernant le rôle de la mère, avec une femme qui affirme clairement son rejet du mariage, sa volonté de ne pas avoir d’enfants et ses propres sentiments sombres à l’égard de sa fille et de ses colères.
Une actrice engagée mais trop absente de nos écrans
On peut penser que Brie Larson – productrice de la série – a été attirée par ces choix, comme celui de faire de la voisine d’Elizabeth (incarnée par Aja Naomi King de How to Get Away with Murder) une militante des droits civiques et avocate contrainte d’interrompre ses études pour élever seule ses deux enfants.
Après une absence volontaire des radars pendant la période de Covid, Brie Larson rappelle avec Lessons in Chemistry pourquoi elle a remporté un Oscar pour Room (Emma Donoghue, 2015) et pourquoi le costume de Captain Marvel est trop restrictif pour son talent. Non seulement elle est crédible en génie monomaniaque de la chimie et la cuisine, mais elle prouve surtout son talent d’actrice en incarnant une femme à la fois entravée, déterminée, confiante, dotée d’un humour mordant, d’une repartie acerbe et d’un refus catégorique de sourire pour complaire aux hommes.
Mais ne vous y trompez pas : malgré sa poker face et sa rigueur sans failles, Elizabeth Zott est l’une des héroïnes les plus attachantes de cette année. Si seulement une telle femme avait pu réellement exister…
Vous pouvez voir Lessons in Chemistry sur Apple TV+, disponible avec CANAL+.