Élu meilleur scénario lors du dernier CANNESERIES, ce cocktail de survival thriller et comédie noire est une harmonie d’hécatombes de manière extrêmement artistique. Toutefois, Bargain : Le prix à payer mêle également une critique sociale mettant en évidence quelques idées sortant de l’ordinaire, ce qui reflète l’originalité et l’effervescence des séries sud-coréennes.
Une narration bouleversante
Bargain : Le prix à payer n’est pas du genre à restaurer votre confiance en l’humanité si vous avez tendance à la perdre. En effet, la série débute avec une scène se déroulant dans une chambre d’hôtel où un homme quadragénaire se donne rendez-vous pour payer pour la virginité d’une jeune fille vêtue comme une écolière.
L’homme découvre qu’elle a déjà eu une expérience sexuelle et qu’elle ne va pas à l’école. La tension commence à monter, l’homme veut baisser le prix, il commence à s’énerver, et on ne peut qu’imaginer le pire. Mais Bargain surprend nos attentes en transformant la suite de leurs dialogues en une scène d’horreur tellement inattendue qu’il est préférable de ne pas en dire plus ici. À mesure que notre angoisse monte, la série déclenche un tremblement de terre qui nous fait littéralement chuter dans les profondeurs de l’hôtel.
S’ensuit une bataille improbable pour la survie, avec des personnages tous plus méprisables les uns que les autres, parfois formant des alliances temporaires mais toujours prêts à se battre pour sauver leur propre vie ou une petite somme d’argent.
La splendeur de la prise de vue en continu
Bargain : Le prix à payer est une série typique ou tout est retenu pour être exagéré. Chaque épisode est l’occasion de traverser un nouveau décor infernal, à l’image d’un jeu vidéo de survie dans un environnement apocalyptique. La façon dont la série utilise de manière concrète et symbolique les potentialités de son milieu, au service de la réalisation et d’une critique des inégalités sociales, rappelle le talent de Bong Joon-ho dans Parasite (2019).
Le scénariste et réalisateur Jeon Woo-sung trouve un plaisir certain à nous enfermer avec ses personnages dans cette série de huis clos hautement oppressants, où une sensation d’inconfort et de tension sont constantes. Cette ambiance étouffante est créée par une réalisation stupéfiante : chaque épisode de Bargain est un plan-séquence de 35 minutes chorégraphié avec exactitude.
Un exploit supplémentaire : toute la série a été filmée en une seule prise. Jeon Woo-sung, caméra à l’épaule, parvient à nous faire alterner magistralement d’un personnage et d’une salle à l’autre, sans jamais desserrer l’étau. Ses acteurs se crient dessus et s’entretuent dans un désordre jouant sur une bande son jazzy qui fait tourner la tête, mais le résultat n’est pas pour tous les publics.
Une constante touche d’humour noir
Ce mécanisme sanglant a aussi un but, notamment une critique sans faille du capitalisme effrené et débridé qui règne dans de nombreuses productions sud-coréennes, dans lesquelles tout se monnaie sans le moindre respect pour la vie humaine.
Dans ce contexte profondément pessimiste et misanthrope où tous les personnages sont des antagonistes, aucun sauveur n’est à attendre. Cependant, la série est heureusement égayée par quelques éléments comiques assez drôles, typiques de la comédie noire. Cela nous fait penser à la stupidité des personnages de Fargo et au fameux sous-titre des frères Coen : « Aurez-vous le courage d’en rire ? ». Il semble que personne ne résiste à la tentation puisqu’une deuxième saison est déjà prévue.
Bargain : Le prix à payer est disponible sur Paramount+, en association avec CANAL+.