L’artiste Ori Gersht détaille la beauté et la violence qui se cachent derrière ses œuvres

Entre 2006 et 2008, l’artiste d’origine israélienne Ori Gersht a créé des compositions traditionnelles de natures mortes avec de vrais fruits ou fleurs, puis les a littéralement fait exploser, capturant le tout en vidéo. Son film Pomegranate est projeté au Black Box Theatre du Hirshhorn Museum. Gersht s’est entretenu avec Joseph Caputo du magazine.

Qu’est-ce qui rend la destruction si fascinante à regarder ?

La violence peut être très grotesque et aussi intensément attirante. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont les deux – la beauté et la violence – cohabitent et comment des moments peuvent être créés et effacés presque simultanément. La destruction est douloureuse, mais elle peut parfois être très cathartique.

Alors, pensez-vous que la destruction est plus intéressante que la création ?

On ne peut pas exister sans l’autre. Ce cercle d’existence est composé des deux. Considérez l’histoire sanglante de l’Europe : il y avait une grande aspiration à une haute culture, mais cette même culture a été façonnée par la brutalité et la barbarie.

Votre travail est-il un commentaire sur la violence que nous voyons dans le monde qui nous entoure ?

Mon travail n’est pas tant un commentaire direct qu’une observation ouverte des absurdités qui nous entourent. Je pense à des scénarios dans lesquels, à un endroit, il y a une guerre très sanglante, tandis qu’à un autre endroit, les gens mènent une vie confortable et décadente. Je suis intrigué par ce genre d’existence parallèle et par la manière dont l’une se mélange parfois à l’autre.

De quelle autre manière votre travail va-t-il au-delà de la nature morte traditionnelle ?

Je capture des événements qui se produisent à une fréquence de 1 600 images par seconde, des moments trop rapides pour que l’esprit puisse les traiter. Le film a été tourné avec une caméra numérique HD, il n’y a donc aucune matérialité dans les images – elles sont transférées sous forme de données sur un disque dur. Il est très important que dans le résultat de mon film, j’obtienne cette suspension d’incrédulité où le spectateur est trompé en pensant, pendant un court instant, que ce qu’il regarde est un tableau.

Pourquoi avez-vous choisi une grenade à tirer ?

La référence dans ce cas est un tableau de Juan Cotán (« Coing, chou, melon et concombre », 1602) mais j’ai décidé d’utiliser une grenade (au lieu d’un coing). Je pense que cela a à voir avec l’imagination visuelle de la grenade, comment elle va saigner, comment ces multi-graines continueront à être pulvérisées à travers le cadre. Je suppose rétrospectivement que c’est aussi la relation qu’entretient la grenade avec une grenade. Mais le choix n’est pas très rationnel, vous savez, rester assis et penser que ceci signifie ceci ou cela signifie cela. Je peux dire que l’image s’est présentée d’elle-même et je l’ai suivie jusqu’au bout.

Sinon, en quoi « Grenade » est-il une variante du travail de Juan Cotan ?

J’étais intéressé par l’image statique du tableau de Juan Cotán par rapport à ce que faisait Harold Edgerton au MIT dans les années 50, lorsqu’il parvenait à figer le mouvement à grande vitesse dans la photographie de la balle qui traverse une pomme. Je prends ces deux moments polémiques et tente de figer un moment si rapide et de le présenter comme une photographie statique. J’essayais donc de négocier ces extrêmes.

Dans Grenadela nature morte explose.

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