L’artiste et professeur du MIT Erik Demaine transforme des diagrammes géométriques plats en d’élégantes sculptures en origami tridimensionnelles.

Cette structure en origami, baptisée « Green Cycles », d’Erik Demaine et de son père Martin a nécessité une semaine d’improvisation pour être assemblée. Crédit : Galerie Renwick

La forme d’un Pringle, mathématiquement parlant, est appelée un paraboloïde hyperbolique. Les artistes plient le papier dans cette forme depuis des années. La torsion? Les paraboloïdes hyperboliques ne devraient pas exister dans l’origami : il est impossible de créer une telle forme 3D en utilisant uniquement les plis pressés à la main dans le papier.

Selon cette logique, certaines œuvres d’Erik Demaine ne devraient pas non plus exister.

Demaine, le plus grand théoricien informatique de l’origami au monde, a créé une série de sculptures en pliant des carrés concentriques en morceaux de papier carrés, en alternant montagne et vallée, et en pliant les diagonales. À chaque sculpture, le papier prend la forme d’une selle appelée paraboloïde hyperbolique et y reste. Ses plis en accordéon sont jolis à regarder, mais Demaine, professeur d’informatique au MIT, ne sait pas comment cela fonctionne.

Paraboloïde hyperbolique

Une structure en papier comportant plusieurs paraboloïdes hyperboliques. Crédit : Erik Demaine

Une fois le papier plié, la structure entière prend une forme naturelle. «La physique trouve cet équilibre», explique Demaine. Mais les mécanismes de la forme de type Pringle sont encore mal compris. Demaine postule qu’il doit y avoir de petits plis dans le papier invisibles à l’œil nu, car les plis faits à la main ne peuvent à eux seuls expliquer la forme finale.

Tenter de résoudre ce mystère, c’est marier la sculpture et les mathématiques.

« Nous avons trouvé un problème de mathématiques qui inspire de nouveaux arts, et un problème d’art qui inspire de nouveaux mathématiques », explique Demaine. L’artiste de 31 ans crée ses sculptures en origami avec son père Martin.

Le produit final, « Green Cycles » (photo du haut), a été créé à l’aide de deux feuilles de papier aquarelle Mi-Teintes de fabrication française, collées ensemble. À l’aide d’un brunissoir à bille, qui est essentiellement un stylo à bille sans encre, les Demaines ont poussé la feuille à deux couches en anneaux de cercles concentriques sculptés dans un gabarit en bois. Le papier est rainuré le long des plis circulaires et découpé en forme de beignet, avant de prendre une forme tridimensionnelle. L’artiste crée plusieurs de ces modèles et les assemble en boucle pour former une sculpture en papier imbriquée. Le jeune Demaine dit que la partie la plus difficile est l’assemblage, qui prend jusqu’à une semaine, car ils ne peuvent pas prédire si les formes résultantes s’enrouleront les unes autour des autres pour créer une pièce solide et esthétique.

« Nous les amenons à s’emboîter, à les lâcher et à les laisser se détendre, parfois du jour au lendemain, si nous pensons avoir une sculpture candidate », dit-il. Si la structure s’affaisse ou s’effondre, le couple réessaye.

Origami Orange

« Cycles naturels » d’Erik et Martin Demaine

Les instructions écrites pour plier le papier sont apparues pour la première fois en 1797 au Japon. Akisato Rito a publié un livre, Sembazuru Orikata, avec des leçons pour 1 000 grues en papier. Adachi Kazuyuki a publié un recueil pratique plus complet en 1845. À la fin des années 1800, les enfants de maternelle de toute l’Europe ont commencé à plier des carrés colorés en classe.

Le concept était simple : pas de ciseaux, pas de colle, pas de ruban adhésif, juste des doigts agiles qui plient et tordent le papier pour lui donner des formes inédites. L’origami est devenu une forme d’art moderne dans les années 1950, lorsque Akira Yoshizawa, un artiste japonais, a combiné la mécanique de l’artisanat avec l’esthétique de la sculpture. Il a créé plus de 50 000 modèles en papier, sans jamais en vendre un seul. Depuis lors, les figures animales et humaines froissées et réalistes de l’artiste Eric Joisel sont apparues au Louvre et les compositions détaillées du physicien-artiste Robert Lang ont été exposées au Musée d’Art Moderne.

Mais le pliage du papier ne crée pas seulement quelque chose sur lequel nous pouvons faire des ooh et des aah. Il joue également un rôle dans la réponse à des questions mathématiques de longue date, comme le problème du pliage et du découpage.

La première mention connue de ce problème est apparue en 1721 dans un livre japonais de casse-tête, dans lequel l’un d’entre eux demandait au lecteur de plier à plat un morceau de papier rectangulaire et de ne faire qu’une seule coupe droite pour produire un écusson japonais appelé sangaibisi, qui se traduit par « losanges triples ». L’auteur a proposé une solution à l’aide d’un diagramme, mais le problème est resté ouvert pendant des siècles – combien de formes sont possibles ? – jusqu’à ce que Demaine le résolve.

Il s’avère que toutes les formes sont possibles : cygnes, chevaux, étoiles à cinq branches. Tout ce dont vous avez besoin est un plan géométrique, un guide sur le pliage ici et là.

Origami marron

« Câlins de cercles » d’Erik et Martin Demaine

L’utilisation de tels plans ajoutait de la complexité à l’origami. Dans les années 1960, les schémas pliants comportaient 20 à 30 étapes. Désormais, un modèle peut nécessiter 200 à 300 étapes du début à la fin. Cela représente beaucoup de pliage pour une seule feuille de papier. Mais l’astuce consiste à utiliser du papier ultra fin avec de longues fibres, ce qui lui confère la résistance nécessaire pour résister à toutes les tractions.

Les programmes informatiques n’ont fait qu’ajouter au plaisir. TreeMaker, un logiciel gratuit créé par l’artiste Robert Lang, prend le dessin au trait généré par l’utilisateur et génère des motifs qui peuvent être imprimés et pliés pour créer les formes. Origamizer permet aux utilisateurs de concevoir un modèle 3D et de modifier ses motifs de plis sur l’écran, en explorant différentes formes.

Avec l’aide des logiciels informatiques, l’origami s’est étendu au-delà du monde de l’art. Les scientifiques et les ingénieurs ont trouvé des applications pratiques au pliage du papier. Les constructeurs automobiles, par exemple, utilisent les mathématiques de l’origami pour calculer un motif de pli permettant de plier les airbags en formes aplaties. Demaine affirme que les structures en origami pourraient influencer la nanofabrication, stimulant la création de puces Intel plates pouvant prendre des formes 3D. Il a également rencontré des membres des National Institutes of Health l’année dernière pour discuter de la manière dont cet artisanat pourrait aider à concevoir des protéines synthétiques combattant les virus.

Lier les mathématiques et l’art comporte cependant certains risques professionnels.

« Quelques coupures de papier par an », explique Demaine.

Trois œuvres de l’équipe père-fils sont exposées dans « 4o Under 40 : Craft Futures », une exposition à la Renwick Gallery du ToutLeCD.com jusqu’au 3 février 2013.

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