C’est indéniablement l’attraction sérielle de cette saison automnale qui a conquis de façon inattendue les téléspectateurs. Zoe Lister-Jones, tout à la fois auteur, réalisatrice et actrice, nous offre sa création originale : « Slip » (accessible sur OCS), qui utilise de manière innovante le principe du multivers très en vogue actuellement, pour aborder avec un humour corrosif la thématique de la sexualité féminine.
Un duo en pleine crise
L’idée du multivers est devenue incontournable depuis quelque temps. Elle est présente partout, depuis l’univers Marvel jusqu’au préféré des derniers Oscars (le film « Everything Everywhere All at Once »), en passant même par la France où il a inspiré l’un des mèmes les plus hilarants de la création originale : « Le Flambeau » de Jonathan Cohen (CANAL+). Cependant, avant de déclarer que vous en avez assez des univers parallèles, il serait dommage de passer à côté du premier épisode de « Slip » diffusé sur OCS.
Dans cette série, le multivers ne sert pas à mettre en scène des super-héros, mais à proposer un nouveau regard sur la sexualité féminine. Zoe Lister-Jones (actrice dans « New Girl » sur Disney+) nous présente ainsi Mae, une quinquagénaire new-yorkaise qui s’ennuie profondément au sein de son couple. Après treize ans de vie commune, ils ne sont pas complètement dépourvus d’amour l’un pour l’autre, mais le romantisme s’est indubitablement éteint.
Le quotidien ne réserve plus de petites attentions amoureuses et leur vie intime est quasiment inexistante. Ajoutez à cela le fait qu’Elijah, le conjoint de Mae (interprété par Whitmer Thomas, qu’on a pu apercevoir dans « Shrill »), est un écrivain en panne d’inspiration, aspirant à fonder une famille malgré une situation financière précaire, alors que Mae, de son côté, ne souhaite pas devenir mère. Autant de points de tension qui rendent leur situation instable.
Un multivers de plaisirs
C’est précisément ce qui finit par se produire : lors d’une soirée, Mae succombe au charme d’un bel inconnu (Amar Chadha-Patel, que l’on a vu dans « Willow » et « The Third Day »), qui lui procure un plaisir qu’elle n’avait jamais connu avant. Cependant, au réveil, elle se trouve dans une dimension parallèle où elle est mariée à son nouvel amant, un musicien à succès certes attirant, mais incapable de la satisfaire pleinement.
Mae prend donc la décision de s’évader à nouveau par le biais d’une autre aventure afin de changer d’univers. Ce stratagème se répète tout au long de la saison, jusqu’à ce qu’elle finisse par se retrouver, après beaucoup d’introspection. En chemin, elle rencontre une grande diversité de partenaires, dont une mère célibataire nommée Sandy, qui malgré ses problèmes, a un charme certain, notamment grâce au jeu de l’actrice Emily Hampshire (Stevie dans « Schitt’s Creek » sur CANAL+).
Lorsqu’elle « glisse » (slip) d’un univers à l’autre, la seule constante dans la vie de Mae est sa meilleure amie Gina, une amie d’enfance avec qui elle a grandi en famille d’accueil, qui possède un sens de la répartie assez hilarant – l’actrice Tymika Tafari est une véritable révélation. Il convient également de mettre en avant le talent d’écriture de Zoe Lister-Jones, qui a réussi à créer une comédie déjantée où les femmes discutent de sexe avec beaucoup de liberté et un humour mordant, tout en questionnant avec finesse la place du plaisir féminin dans la société contemporaine.
Une nouvelle approche féminine de la sexualité
On peut raisonnablement penser que Zoe Lister-Jones a puisé dans son vécu personnel pour créer cette série – elle a récemment divorcé de son mari et partenaire artistique Daryl Wein après une décennie de relation. En effet, elle donne une image différente de la sexualité féminine, en définissant sa propre vision féminine (female gaze) du sujet, qui diffère radicalement de celle de la plupart des réalisateurs.
C’est pour obtenir cette liberté qu’elle a décidé d’endosser elle-même – avec brio – le rôle de Mae et de réaliser tous les épisodes, en plus de tenir le rôle de scénariste. Et ce choix s’avère pertinent, puisqu’elle n’hésite pas à mettre en scène quelques situations sexuelles embarrassantes rarement dévoilées à l’écran. Les scènes sont explicites mais surtout d’une authenticité rarement atteinte, ce qui lui permet également de côtoyer avec justesse un humour dérangeant (cringe) qu’elle maîtrise parfaitement.
Zoe Lister-Jones, déjà metteure en scène de trois films dont la récente suite de The Craft en 2020, démontre avec « Slip » ses multiples talents. Au milieu de la multitude de séries centrées sur des couples en crise, comme « On The Verge », « Breeders », « Anatomie d’un divorce », « The Resort », etc., elle ressort du lot grâce à l’originalité de son humour et la pertinence de son message.
La série « Slip » est disponible sur OCS, accessible sur CANAL+.